L'indicateur papillons de jour

Publié le : 01/07/2022 14:05:25
Catégories : Actualités , Insectes

L'effondrement des insectes

Les entomologistes de terrain et passionnés d’insectes le constatent, les études le confirment : nous sommes confrontés à un effondrement des populations d’insectes. Le phénomène est multifactoriel et difficile à cerner, mais les scientifiques s’accordent aujourd’hui sur les principales causes : la destruction et la fragmentation des habitats naturels, l’utilisation massive de pesticides et le changement climatique.

Si la chute des effectifs des insectes fait aujourd’hui consensus, l’étude détaillée du phénomène est très complexe : rien qu’en France métropolitaine on compte plus de 40 000 espèces d'insectes avec des modes de vie extrêmement variables — et pour la plupart de ces espèces il existe très peu de données ce qui rend leur étude presque impossible !

 

Les papillons de jour comme groupe le mieux connu

Les papillons de jour comptent 301 espèces en France métropolitaine et bénéficient d'un très grand capital sympathie, ils sont aussi plutôt faciles à observer et souvent déterminables à l’espèce sans avoir à être prélevés*. Ces caractéristiques en font un groupe pour lequel il existe de nombreuses données d’observations à travers tout le territoire, dont des données anciennes. Nous avons assez de connaissances pour analyser la dynamique du groupe sur les dernières décennies !

 

L'indicateur papillons

Nous nous sommes intéressés à la présence des espèces à l’échelle départementale pour proposer un « indicateur papillons de jour ». Cet indicateur représente la part des espèces ayant disparu d’au moins un département depuis le siècle dernier.

Par exemple, l’Hespérie du Pas-d’âne (Pyrgus cacaliae) occupait 4 départements dans les Pyrénées, mais depuis 2000 il n’a été observé que dans deux de ces départements. Quant au Damier du Frêne (Euphydryas maturna) , il est exclusivement présent dans la moitié nord de la France métropolitaine. Alors qu’il était présent dans 22 départements, depuis 2000, il n’est plus qu'observé que dans 6 départements.

Sur les 301 espèces de papillons de jour vivant en France métropolitaines, 200 ont perdu au moins un département, soit 66 %.

Autrement dit, la disparition départementale concerne 2 espèces de papillons sur 3 !

 

2 espèces de papillons sur 3 ont perdu au moins un département, ça veut dire quoi ?

Ce chiffre est assez élémentaire : il est important de ne pas tirer de conclusions hâtives et d’envisager tous les facteurs qui peuvent l'affecter. Lors des premières présentations de ce résultat, il a été demandé par exemple demandé si les espèces avaient gagné des départements : dans ce cas, peut-être que les populations ne disparaissent pas mais ne font que se déplacer ? Or un examen plus fin des données montre que les pertes sont plus nombreuses que les gains.

D’autre part, il apparaît que les gains concernent des espèces :

  • Qui s’accommodent des environnements humains. Un cas extrême est le Brun du pélargonium (Cacyreus marshalli) qui pond dans les jardinières des villes depuis quelques années et semble conquérir des milieux plus naturels. Cette espèce a gagné 56 départements !
  • Qui profitent du réchauffement climatique (ex. l’Azuré de la Faucille – Cupido alcetas, l’Azuré de la Luzerne – Leptotes pirithous, le Nacré de la Ronce – Brenthis daphne)
  • Dont la détermination peut s’avérer délicate et qui potentiellement étaient auparavant sous-détectées (ex. la Piéride de l’Ibéride – Pieris mannii – ou diverses Zygènes)

Tandis que les pertes concernent des espèces qui ont besoin de milieux bien précis

  • Les pelouses sèches (ex. : l’Hermite – Chazara briseis, l’Agreste – Hipparchia semele),
  • Les prairies humides (ex. : le Mélibée – Coenonympha hero),
  • Les clairières forestières (ex. : la Bacchante – Lopinga achine, le Grand Collier argenté – Boloria euphrosyne, le Damier du frêne – Euphydryas maturna)

Or ces milieux sont en déclin de par l’évolution de la gestion du territoire. Les pratiques en cause sont par exemple l’urbanisation des terres, l’assèchement des zones humides, l’abandon des élevages extensifs ou encore l’intensification de l’exploitation des forêts.

6 espèces de papillons de jour dont la présence est en diminution dans les départements français

Alors que fait-on ?

La lutte contre l’érosion de la biodiversité se fait aujourd’hui à plusieurs niveaux. D’une part, il s’agit d’améliorer la surveillance des populations, à la fois en poursuivant la production de données et en affinant leur utilisation. Les naturalistes et structures d’étude de la biodiversité (bureaux d’études, associations, CEN, centres de recherche, le Suivi des rhopalocères de France - Sterf…) sont sur ce front et multiplient les protocoles et programmes de surveillance. Les Régions et réseaux qui agissent pour la préservation de la biodiversité s’investissent dans la mise en œuvre du Plan National d’Actions en faveur des papillons de jour menacés. D’autre part, nous pouvons agir dès maintenant sur notre gestion du territoire : c’est le rôle des politiques et décideurs qui doivent consulter les scientifiques et experts pour préserver les habitats menacés.

*on parle de prélever un individu lorsque celui-ci doit être tué pour connaitre l’espèce : c’est le cas de diverses espèces qui se différencient par examen sous loupe binoculaire. Les papillons de jour sont souvent déterminables à vue ou sur photo.

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